Une mésaventure parmi toutes les incalculables autres.

J'avais la sensation d'être courbaturée des pieds à la tête, mon ventre ne cessant de se tordre. J'en était sûre, je venais probablement durant ces dernières trois minutes de faire plus d'abdominaux que n'importe quel bodubuilder de renom. À qui la faute ? Juste celle de la grande folle face à moi qui ne faisait absolument rien pour calmer ce fou rire ayant pris possession de mon corps. J'avais d'ailleurs beau essayer de me calmer et reprendre mon souffle, rien y faisait. Je dut me résigner, incapable de contrôler les sons sortant de ma bouche, à faire comme cette fille déjantée qui me servait d'amie la plus proche : Rire à gorge déployée au milieu de la rue marchande du centre de Kyoto, sans se retenir.
Les gens nous fixaient, mais en cet instant qu'importait. J'étais avec l'une des personnes qui comptait le plus pour moi, et nous riions à en perdre haleine. Le monde aurait bien pu s'écrouler que ça n'aurait rien changer.

C'est un bon nombre de minutes plus tard, je serais incapable d'en préciser le total, que nous nous décidions enfin à partir, marchant en direction de la sortie du centre-ville.
Rejoignant peu à peu les rues bordant le quartier dans lequel se trouvait l'appartement où je vivais et dans lequel nous comptions passer la nuit, on ne put que réaliser à quel point il faisait nuit. Nous ne l'avions pas remarqué plus tôt, probablement à causes des nombreux éclairages, mais il faisait vraiment sombre pour une soirée d'août. De plus, cette rue ne se trouvant en aucun cas rassurante, je ne put m'empêcher d'agripper le bras de Su Ji, effrayée. Comment pourrais-je me défendre si un homme d'un mètre quatre-vingt se pointait ? Moi qui dépasse tout juste les un mètre cinquante-cinq, il ne ferait de moi qu'une bouchée. Et Su Ji, mon dieu. Elle serait encore capable de dire quelque chose qui nous coûterait la vie sans hésité. Espérant le remettre à sa place, elle n'arriverait qu'à plus attirer ses foudres. Je pourrais m'enfuir pendant qu'ils se battraient, mais je crois que ça ne serait pas très humain de la laisser là, et elle me manquerait si elle venait à mourir. Aussi, je ne cours pas très vite. Il me rattraperait facilement.

Je sortait mes clés, voyant déjà le petit immeuble de trois étages au loin, comme si le fait de les sortir nous feraient rentrer plus vite. Pourtant, le faire me décrispa tout de même un peu, relâchant enfin l'otage de mes mains : Le bras de Su Ji. Nous apprêtant enfin à parler – n'ayant rien dit depuis que nous étions entrées dans cette rue-, un bruit sonore se fit entendre à notre côté, si fort qu'il m'en fit lâcher mes clés. Un petit chien couleur caramel se montra alors, marchant vers nous de façon adorable. Attendries devant cette vu, aucune de nous deux ne se méfia lorsqu'il vint à nos pieds, ni même lorsqu'il joua avec le nounours vert qui me servait de porte-clés et que Su Ji avait toujours qualifié d'immonde, ou encore lorsqu'il le mis entre ses crocs. Aucune de nous deux, jusqu'à ce qu'il parte en courant, sa trouvaille toujours avec lui.

Prenant conscience que je venais de me faire voler mes clés par un chien, j'hésitais entre faire une blague à ce sujet, probablement inapte à la situation, ou pleurer la perte de mon porte-clés. J'hésitais, avant de réaliser la chose la plus importante.

«-Su Ji, j'ai pas de double des clés et mon père n'est pas là ce soir.»

Nous nous observâmes, réalisant enfin le problème. Ni une, ni deux, et nous nous élancions à la poursuite du fourbe couleur caramel.