Une main au sol, ancrée. Une jambe qui se soulève, puis une autre, suivie du corps entier. Un mouvement presque parfaitement fluide, en rythme. A quelques détails près, était parfait. Calculé à la seconde près. Refais tant de fois, sans arrêt. Un dernier coup de hanche, et là apparu le choc, le douleur.

Je marchais rapidement, me tenant l'épaule, douloureuse. J'avais dérapé alors que je tentais une figure dans l'une des salles d'entraînement. Epuisé à force d'essayer de réussir cette chorégraphie qui m'obnubilait depuis plus d'une semaine, je n'avais pas eu la force nécessaire dans les bras pour soutenir le reste de mon corps correctement. Mon épaule avait violemment heurté le sol, le poids de mon corps retombant aggravant le choc. Le petit bruit du craquement de l'épaule m'avait inquiété, et, une fois que ma tête avait cessé de tourner, je m'étais rapidement levé et dirigé vers l'infirmerie. Il n'y avait personne dans le local.

Rester seul n'était pas un problème. Ces derniers temps, c'était même une bénédiction. Entre mon colocataire invivable, que je ne supportais plus de voir, So Ra, qui me laissait perplexe avec son attitude si changeante, et Ji Eun, plus bizarre que jamais, avec ses œillades et ses petits sourires … J'avais beau comprendre qu'elle semblait intéressée par moi, je ne comprenais pas pour autant la provenance de ce coup de cœur soudain : nous parlions rarement, je ne tranais pas avec elle, je ne lui avais jamais montré le moindre signe d'une quelconque ouverture … En tout cas j'en était persuadé. Mais elle semblait avoir qu'elle chose avec moi. Ce n'était pas forcément déplaisant, même plutôt flatteur, mais je n'y accordais pas une importance majeure.
Je n'avais pas l'habitude des gens, de leur présence, des cris de joie, des rires et du brouhaha des écoles. Pas l'habitude que l'on tente de me parler, de se rapprocher de moi. Ni l'habitude qu'un gosse abruti antisocial encombre mon espace vital. La vie en colocation n'était pas toujours rose, surtout avec celui que l'on m'avait désigné. J'avais l'habitude certes de devoir partager un habitat avec des presque-étrangers, que je n'appréciais le plus souvent pas le moins du monde. Mais JongUp, lui, c'était autre chose. Il me donnait presque des boutons. Sa présence provoquait en moi des montées de hargne. La plupart du temps, je restais tard le soir à m'entraîner, afin de rejoindre la chambre une fois qu'il s'était endormit : ainsi, je n'avais pas à supporter ses regards ou le peu de mots qu'il voulait bien m'accorder. Il aurait pu être le colocataire parfait. Si seulement il n'avait pas été lui.
Non, la vie à l'école était totalement différente de ma vie aux Etats-Unis. Mais bizarrement, je m'y sentais bien, comme chez moi.

Je travaillais énormément ces derniers temps, voir un peu trop. Depuis deux jours, ma voix était légèrement enrouée, plus brisée que d'habitude. J'évitais de parler trop fort, réduisant mes efforts, me ménageant. Je m'étais décidé alors à me plonger toute la journée dans la danse, espérant enfin arriver à quelque chose, mettant mon rap de côté.
A part une épaule souffrante, je n'avais obtenu aucun résultat probant.

Tout était calme, en ce début de soirée. Je grognai doucement en tâtant mes muscles crispés par la douleur, cette dernière remontant le long de mon bras et de ma nuque. Sans attendre je me dirigeai vers un miroir et enlevai mon sweat noir, qui fut rejoint au sol par le tee-shirt blanc que je portais dans les secondes qui suivirent. Mes vêtements enlevés, je pouvais examiner l'ampleur des dégâts. Mon épaule était gonflée et rouge à l'endroit du choc. Je posai trois doigts dessus, appuyant légèrement dessus, et vis ma peau blanchir pour rougir à nouveau, plus qu'auparavant. Jurant à voix haute, je me dirigeais vers une sorte de petit congélateur qui contenait des bandes de produit pour refroidir les muscles, et autres, mais je n'hésitai pas longtemps et pris en main une poignée de glaçons : rien de plus efficace. Les appliquant directement à même la peau, je sentis l'eau glacée couler le long de ma peau, sur mon bras, mon torse et le long de mon dos, laissant des frissons parcourir mon corps alors que je me mordais la lèvre inférieur violemment sous la douleur. Tout aurait pu si bien se passer. J'aurais pu me soigner tranquillement, me vidant l'esprit, au calme. Mais non. Car ce jour-là, il en avait été décidé autrement. Plutôt que de me laisser à ma solitude, on m'envoya quelqu'un pour perturber ce moment de repos et de douleur. On m'envoya Ji Eun.

Ji Eun qui entra dans l'infirmerie sans préavis, déboulant alors que je me trouvais à moitié nu, dégoulinant simplement d'eau, frissonnant. Elle n'aurait pas pu choisir de meilleur moment, je me rendis compte, car dans ses yeux qui parcouraient mon torse travaillé, je pu percevoir de l'envie, comme une nuée de petites étoiles d'envie et de fascination. Son regard me vrillait, et le mien tentait de la fuir. Je n'étais pas particulièrement timide, mais me trouver dans cette situation face à Ji Eun, qui avait tendance à me montrer un certain intérêt, me mettait mal à l'aise : j'avais mal, et certainement pas envie d'avoir à gérer une fille en manque d'affection, ou en pleine fascination.
La voix brisée, je lui demandai alors ce qu'elle voulait exactement, lui précisant qu'il n'y avait personne d'autre que moi dans la pièce, et que si elle voulait bien, j'aurais aimé me soigner sans un public.

Elle souriait gentiment, regardant les autres chanter. Elle était mignonne quand elle souriait Ji Eun, tout le monde fondaient. Sauf un, Yong Guk, c'était pas marrant, en plus, c'était le seul qu'elle arrivait pas à séduire; en même temps, quand elle y repensait, une fois devant lui, elle agissait comme une gamine alors qu'elle était pas du tout comme ça d'habitude. Pour elle, les garçons, les filles, les êtres humains en général, n'étaient que des jouets, de simples jouets. Elle les prenaient, les jetaient. Presque comme des déchets. Mais de toute manière, à quoi les gens lui servait-il si ce n'est se moquer d'eux ? De leur naïveté. Une soudaine envie de rire se montra, seulement, elle se retint. Rire seule et passer pour une folle ? Non merci. Enfin, elle décida donc de se concentrer à nouveau sur la séance de chant, applaudissement. Comme si ses débiles pensaient pouvoir chanter mieux qu'elle. La seule personne qu'elle estimait un peu était Jong Up. Elle adorait le coller et essayer de lui faire apprendre le chant parce qu'il avait un réel talent. Les autres aussi mais les autres, elle s'en fichait tout simplement.

Hum ? C'était à son tour. Elle se leva de sa chaise pour aller devant les autres élèves et commença à chanter. Ji Eun le savait qu'elle avait une voix angélique. D'ailleurs, elle imaginait prochainement sa carrière solo, nom de scène, Queen, what else ? L'anglais, ça passait bien. Mais bon... Queen, ça sonnait trop prétentieuse et aux yeux des autres, elle devait rester cette mignonne et petite Ji Eun. Ce masque lui collait tellement à la peau mais c'était les sacrifices pour devenir, plus tard célèbre. Et franchement, elle voudrait vraiment être en solo parce que les groupes, vraiment pas ! Y avait un leader chiant, à la limite si c'était elle ça passait, mais le pire, c'était que dans ce groupe, il y avait toujours un visage dans le genre, dès qu'on prononce le nom du groupe, c'est CETTE personne qui apparaît. C'était rare les leaders qui était aussi visage, parce que sinon les gens disaient qu'il y avait des préférences et blablabla.. Tss, c'était mieux d'être en solo. Ji Eun s'arrêta de chanter, feintant un sourire timide. La carte de la timidité marchait bien. Remerciant ensuite les petits applaudissement, elle repartie s'asseoir mais à peine avait-elle eut le temps de poser ses (jolies) fesses que le cours était déjà finit. Hum, elle avait la sensation que les cours duraient de moins en moins longtemps, mais c'était sûrement une impression.

Une fois sortie de la salle, la jolie brune, toute mignonne avec ses couettes qu'elle avait galéré à faire, décida d'aller dans sa chambre, peut-être qu'elle pourrait y croiser So Ra - l'une des rares personnes qu'elle appréciait dans cet établissement de bras cassés ! Sauf qu'en allant dehors, elle n'avait pas vu la racine qui dépassait. Mais vraiment pas vu. C'est pourquoi elle a pas trop compris quand elle a sentit son pied être retenu. Elle a pas non plus trop compris quand elle a vu le sol se rapprocher de sa tête. Néanmoins, elle a compris qu'elle devait se protéger de l'impacte imminent, c'est ainsi qu'elle se retrouva la tête dans les bras, allongée par terre. Et le visage sûrement très rouge même si elle ne pouvait pas se voir dans un miroir. Elle releva doucement la tête, toujours allongée lamentablement, et regarda autour d'elle, c'est donc avec un énorme soulagement qu'elle put constater que personne n'était présent pour voir sa magnifique (hum) chute. La jeune fille se releva rapidement, enleva les poussières sur son haut et sa jupe, remarquant ainsi qu'elle saignait au niveau des genoux. Arg, l'horreur, ses genoux étaient tout égratignés, huhu, elle avait envie de pleurer, son corps parfait zut de crotte de bique !

Bon. Que faire ? Aller à l'infirmerie lui sembla soudainement une bonne idée. En plus vue l'heure, elle était sûre que personne n'était là et par conséquent, personne ne verrait l'horreur sur ses genoux - m'enfin, l'horreur, elle allait juste coller un pansement et hop, tranquille, plus rien ne se verrait. La Lee continua donc son petit périple vers l'infirmerie, toujours un sourire collé sur les lèvres, parce que c'était obligé. Elle devait sourire, c'était les apparences qui comptaient le plus, comme lui avait appris ses parents. Elle leva les yeux au ciel en pensant à ses parents, rah, elle en avait tellement marre d'eux, mais ça, jamais elle ne le dirait, parce que malgré tout, elle les respectait humpf. Ji Eun accéléra la cadence, et arriva à l'infirmerie où elle fut prise d'un gros bug. D'un immense bug, comme si elle était un ordinateur et qu'elle avait ouvert trop de pages ce qui entraînait un bug.

Quoi que. Ce qu'elle avait devant elle, c'était mieux que d'avoir ouvert trop de pages quand même ! Bref, en fait, c'était juste (hum) Yong Guk qui était torse nu. Oh, Ji Eun n'était pas du genre groupie, fangirl, et des garçons à moitié nu - même plus, elle en avait déjà vu mais là, c'était pas pareil. Pour la simple raison qu'elle considérait Yong comme l'homme de sa vie !! - même si, au passage, il ne le savait pas encore. Sans aucune gêne, elle l'admirait. Bien foutu en plus d'avoir une belle tête, tranquille le gars. Son futur gars mwahahaha ! ... Pardon ? Si elle se faisait des films ? Vraiment pas, mais une fille amoureuse, c'était toujours un peu cinglée. Elle cessa de regarder son corps lorsqu'il prit la parole et donc le regarda normalement. Hé ? C'était quoi cette phrase, limite, elle avait l'impression qu'il voulait qu'elle parte, ça allait pas se passer comme ça non mais oh ! En guise de réponse, elle haussa simplement les épaules.

▬ Je sais, je venais juste chercher des pansements.

Puis sans aucun regard pour lui, elle se dirigea vers l'armoire normande, prit du désinfectant pour la plaie et posa des pansements. Après avoir remit tout à sa place, elle hésita à partir mais finalement elle se tourna toute sourire, toute "in love" vers Yong Guk. Encore des étoiles à la place des yeux.

▬ Mais que suis-je impolie ! Tu veux peut-être de l'aide ?

Et elle s'approcha bien vite de lui et tendit la main pour qu'il lui passe les bandes, le pauvre en plus, il devait vraiment souffrir.. Puis pour la question que venait de poser Ji Eun n'était pas vraiment une question, c'était plus un ordre. Enfin quelque chose qu'elle imposait, elle voulait l'aider et franchement, le pauvre Yong Guk n'avait pas le choix. Ne jamais défiez une fille amoureuse, ça peut déclencher des choses très... étranges.